Entretien exclusif de Joséphine Draï (comédienne et auteur, Babysitting 2, Plan coeur (série Netflix), etc) pour Hit Coaching !
Hit Coaching : Selon vous, quelle place occupe le mental dans la performance d’un(e) comédien(ne) ? Joséphine Draï : Dans la performance ? Tout dépend. Lorsque nous sommes en train de jouer la comédie, le mental, on doit le laisser de côté pendant qu’on joue parce que justement on doit intégrer et préparer avec le mental des choses par rapport à notre rôle et notre personnage. Mais quand on revient dans le moment du jeu, on va laisser de côté le mental et on va être vraiment dans l’instant, dans le corps et si possible pas dans son propre mental mais s’il y a mental, dans le mental du personnage. C’est-à-dire créer les pensées du personnage, puisque lorsqu’on est comédien on n’a pas notre mental personnel lorsqu’on joue. Ensuite, le mental dans la carrière d’un comédien est une chose très importante étant donné que c’est tellement un métier difficile où il y a beaucoup de prétendants mais peu d’élu que la force du mental est ce qui permet, en général, de persévérer, d’être endurant dans les revers. Il y énormément d’aspects comme ça dans ce métier, c’est-à-dire des fausses joies, des choses qui sont très très dures à décrocher. Puis lorsqu’on les décroche, ça peut quelques fois être remis en jeu, il n’y a pas réellement d’assurance que les choses vont marcher dans le bon sens. On ne peut jamais être posé sur rien, et du coup le mental permet, en tous cas si l’on est bien en confiance, de traverser les moments difficiles si ça ne se passe pas comme on veut, où il y a des revirements de situation etc, donc le mental est quelque chose de très important dans ce métier. HC : Sur une échelle de 1 à 10, à quel stade situerez-vous l’importance du mental dans le monde du cinéma ? JD : Franchement ? Je dirais 10 ! Quand on discute entre amis comédiens, on réalise que les gens qu’on a rencontrés dans nos cours de théâtre lorsqu’on avait 18 ans et ceux qui font toujours ce métier aujourd’hui à 30 ou 40 ans, ce sont les gens qui ont su persévérer et combattre les moments difficiles, qui n’ont pas renoncé. C’est donc grâce au mental. Les personnes qui ont choisi de faire cette carrière et de la mener vraiment à bien, ce sont des gens dont le mental est à 10. C’est capital. HC : Comment travaillez-vous votre mental au quotidien ? JD : Je travaille déjà en psychothérapie, puisque c’est quelque chose me concernant et ma grande faiblesse, et cela va même au-dessus de mon métier, notamment le manque de confiance en moi et le manque d’estime de moi et de valeur que je peux m’accorder à moi-même auquel j’ai travaillé avec ma psy. J’essaye également de faire plus attention aux signes venant de l’extérieur, c’est-à-dire des gens qui me valorisent, comme les comédiens avec qui je travaille, ainsi que les réalisateurs avec lesquels j’interagis qui peuvent me donner beaucoup de compliments. Je les entends et les réceptionne contrairement à mon passé où j’avais plutôt l’habitude à être gênée, à ne pas les entendre et à les rejeter. C’est déjà un vrai travaille pour moi que d’accepter et d’entendre de la part des autres qu’on a une valeur (sourires). HC : Quelles sont les principales qualités mentales d’un comédien(ne) ? JD : Tout d’abord, comme je vous ai dit, la persévérance, c’est une chose très importante. Je dirais aussi la sensation de savoir qu’on est unique et qu’on a sa place puisque ce sont des choses qui sont très difficiles à garder en tête quand on fait ce métier où il y a tellement de gens qui se battent pour la même chose, c’est difficile de se dire pourquoi moi ? pourquoi ça serait moi ? Pourquoi pas quelqu’un d’autre ? Qu’est ce que j’ai de plus qu’un autre ? Qu’est-ce qui va faire la différence pour que ce soit moi qui décroche le rôle ? Moi c’est quelque chose qui me bloque énormément. Le comédien doit savoir faire la différence et doit se dire que ce qu’il apporte est unique et que de toute façon il n’est pas dans une comparaison avec les autres. Ce qu’il est, tous les autres ne le sont pas et c’est ce qui le rend unique, c’est donc ça sa force. Je pense que c’est vraiment une clé qui est intégrée et qui permet au comédien de se présenter en toute sérénité à un rendez-vous puisqu’il sait qu’il a sa place ! HC : Quelle est votre réaction face à des personnes de votre entourage en perte de motivation ? JD : Alors, justement (rires) on conseille toujours mieux les autres que soi-même. Mais moi j’ai la tendance à les rebooster. Je trouve le moyen de leur dire d’être endurant et de persévérer, que la roue va tourner, que les choses vont se réaliser, et là où la personne en question a les qualités nécessaires pour que les choses s’arrangent vont s’arranger. En générale, je suis assez dans la remotivation. HC : Y a-t-il eu un moment dans votre carrière où se fut dur mentalement ? JD : Oui, beaucoup, et je pense pour tous les comédiens c’est pareil, ils vous diront la même chose. Il y a beaucoup de moments de ma carrière où j’ai eu des ratés, d’être toujours la deuxième. Par exemple, lorsqu’on auditionne pour un rôle, ce n’est finalement pas nous qui avons le rôle, mais on est juste deuxième. On est le deuxième choix, on était proche de l’avoir mais on ne l’a pas eu, et ça c’est très difficile pour un comédien à gérer mentalement, surtout quand ça nous arrive plusieurs fois d’affilée. Donc, j’ai eu des moments d’anéantissement, pour les raisons parfois futiles, des choses qui n’avaient rien à voir avec ma performance en tant que comédienne. Je n’ai pas décroché des choses et ça m’a mis parfois dans des états de désespoir de me dire « mais à quoi bon continuer ? Pourquoi persévérer, personne ne m’attend, qu’est-ce ça m’apporterait que je persévère dans le domaine » oui j’ai eu des moments comme ça. Notamment avant toutes les années d’écrire mon premier spectacle (que j’ai créé à 26 ans). J’ai commencé jeune à travailler, donc pendant 7 ans ça a été bien difficile. HC : Quelles sont les principales difficultés auxquelles doit faire face un comédien durant sa carrière ? JD : Tout d’abord d’être dépendant des autres, de ne pas être tout le temps choisi. Moi je suis également auteur et je travaille dans plusieurs milieux différents donc j’ai la chance d’être indépendante, de créer ma propre matière artistique, ce qui me permet d’avoir un équilibre qui me permet de ne pas être trop sujette à ça. Mais je pense que le problème principal des comédiens c’est qu’ils attendent énormément d’être choisis, ce qui peut les mettre dans une position de passivité, une position de dépendance et du coup, lorsqu’on n’est pas choisi, ça veut dire que lorsqu’on n’est pas aimé, on est rejeté. Le comédien est tellement dans l’enveloppe corporel et proche à son travail qu’il peut vite mélanger les deux entre sa personne et sa performance. Si on ne le prend pas pour un rôle, il peut penser qu’on ne l’aime pas et qu’il est rejeté en tant que personne et ça c’est très difficile de garder cette nuance, cette limite là entre les deux. Pour ma part, j’ai pris des rejets pour un travail comme un rejet personnel et ça nous met dans un état parfois difficile. Donc je pense que les difficultés, c’est ça, c’est de faire la part des choses. C’est de comprendre que, lorsqu’on n’est pas choisi, ce n’est pas pour des raisons obligatoirement liées à notre talent, mais simplement pour les choses complètement extérieures et des facteurs qui n’ont rien à voir avec nous. Et surtout, de pouvoir être indépendant et ne pas être dans l’attente. HC : Comment, en tant qu’actrice, gérez-vous la pression tout au long de l’année ? JD : Tout d’abord en faisant des économies. En tant qu’intermittent du spectacle ça peut paraître anodin mais nous avons des revenus très aléatoires et très différents l’un à l’autre. Pour ma part, quand je perçois une somme d’argent, j’en mets une partie de côté, ce qui va me permettre d’être sereine tout au long de l’année, de ne pas être en panique. Quand je vois un projet qui prends du retard, ou qui finalement est annulé, ces économies me permettent d’avoir une sorte de tranquillité. Pour moi c’est important car ça impacte également dans ma vie professionnelle. Par exemple le choix d’un rôle peut être choisi en fonction des besoins d’argent et non par plaisir de réaliser ce rôle. La 2ème chose est que je crée ma propre matière artistique. Dans ce cas là ça me permet de ne pas être dans le côté inactif (c’est-à-dire attendre que quelqu’un m’appelle pour avoir un rôle) mais plutôt actif car je continue d’écrire mes projets, de développer mes idées. Et pour ma part c’est une grande source de sérénité. HC : Quel est, à présent, votre objectif pour la suite de votre carrière ? JD : Continuer de travailler, trouver de nouvelles idées à mes projets, les développer afin que mes écrits prennent vie. Ma prochaine étape est de pouvoir réaliser certains de mes écrits, et dans lequel je vais également jouer. HC : Pour finir, avez-vous remarqué qu’à travers ces questions, vous venez de réaliser une mini séance de coaching ? JD : Non pas spécialement (rires), mais je remets le point sur certaines pensées que j’essaye d’avoir en les verbalisant. Quand je parle de certains aspects avec vous j’y repense et m’a fait prendre conscience de certaines perspectives. C’est que du positif. Joséphine Drai, comédienne et auteur. Nous remercions Joséphine Drai pour sa patience et sa gentillesse à avoir répondu à nos questions afin de les faire partager à nos lecteurs. Hit Coaching lui souhaite beaucoup de réussite pour sa carrière ainsi que pour ces projets futurs.
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